Un nouveau témoignage vient s’ajouter à cette belle série que j’ai lancé fin 2019. L’idée étant de vous donner une vision réaliste sur l’expatriation au Canada et surtout, un retour d’expérience de profils différents à travers le Canada. Je suis heureuse de pouvoir publier aujourd’hui le vingtième témoignage de cette série, vingt histoires toutes différentes les unes des autres ! Une province n’avait pas encore été représenté alors découvrez le tout premier témoignage d’une province des Maritimes. Vous connaissez peut-être Audrey à travers son blog Arpenter le Chemin qui regorge d’articles de voyages ! Audrey vit depuis six ans à Moncton dans la province du Nouveau-Brunswick et voici son histoire…
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Je suis Audrey, j’ai 35 ans et J’ai émigré à Moncton, au Nouveau-Brunswick, en 2014, avec mon mari Etienne. Nous sommes tous les deux originaire de Haute-Savoie, avons vécu longtemps à Lyon et sommes venus nous installer au Canada après notre mariage. Nous sommes devenus Franco-Canadiens en janvier 2020 😊
Immigrer au Nouveau-Brunswick
Tous les deux, nous avions vécu plus ou moins à l’étranger pendant nos études : Angleterre pour Etienne, Nouvelle-Zélande pour moi. J’avais toujours gardé dans un coin l’idée de repartir. En 2013, année de lancement de notre projet, l’heure était déjà à la morosité en France, au pessimisme, je ne comprenais plus les gens autour de moi.
Quand nous avons lancé l’idée d’aller vivre au Canada, nous voulions faire un PVT, aller respirer un vent d’optimisme l’espace d’un an ou deux avant de rentrer… Mais en 2013, les PVT étaient encore attribués une fois par an. En 2013, ce sont 7 000 PVT qui sont partis en quelques minutes et évidemment, nous n’étions pas parmi les heureux élus.
Je ne crois pas du tout au destin mais là, vraiment… Littéralement le lendemain de notre déconfiture avec le PVT, un encart dans le 20 Minutes : « Le Canada veut des immigrants ! Réunion d’information sur le Nouveau-Brunswick ! » Le Nouveau-Brunswick, on ne savait pas que ça existait, on ne savait pas où c’était, et on a tout découvert lors de cette réunion.
Évidemment, tout avait l’air idyllique : une province bilingue, des exigences raisonnables, peu d’immigrants et donc des quotas encore non atteints, et surtout des délais bien plus rapides que pour aller au Québec. Pour nous, c’était banco, on voulait tenter l’aventure.
La province demande un voyage exploratoire à tous les candidats à l’immigration dans la catégorie « immigrants qualifiés ». En 2013, nous passons quinze jours au Nouveau-Brunswick, constatons qu’effectivement, la vie risque d’être assez différente de celle que nous connaissons à Lyon. On veut quand même tenter, notre profil répond aux critères de la province : nous voilà parrainés. Un an d’attente et nous voilà titulaires de la résidence permanente. Nous nous installons à Moncton en octobre 2014.
S’installer à Moncton
Moncton est un choix de raison. En 2013, nous étions loin d’être charmés mais c’est la plus grande ville du Nouveau-Brunswick, la mieux connectée avec un aéroport international. En comparaison, la capitale Fredericton est certes plus charmante, mais presque collée à la frontière américaine, elle est beaucoup plus isolée. Si Moncton semble austère quand on y passe une journée ou deux, elle est assez captivante quand on y vit. La ville est très dynamique, en cinq ans, on a vu énormément de commerces s’ouvrir, d’infrastructures se créer, de mouvements se lancer, notamment pour l’environnement.
Pour ce qui est du travail, j’ai eu la chance de ne pas avoir à chercher car je travaille à mon compte ; en étant traductrice, j’ai gardé une bonne partie de mes clients français. J’ai pris une jobine pour avoir un pied dans la société malgré tout. Etienne, lui a trouvé un emploi dans l’informatique, son domaine, au bout d’un mois de recherche. Depuis, il a changé deux fois d’emploi, toujours dans son domaine. Pour lui, l’anglais est indispensable, il s’est perfectionné sur le tas.
On a déménagé trois fois en cinq ans. Après un an à louer un sous-sol pas cher mais déprimant, deux ans dans une petite maison en banlieue très proche, nous avons acheté un « duplex » (maison mitoyenne) en lisière du centre-ville. Nous vivons d’un côté et louons l’autre, système assez répandu.
Ce qu’on adore
Passer de Lyon à Moncton nous a fait un petit choc mais une ville de cette taille a beaucoup d’avantages. Le mieux, pour nous, c’est d’habiter une maison avec un petit jardin à 1,5 km du centre-ville : on peut quasi tout faire à pied ou à vélo, aller boire un café, manger au restaurant, voir des concerts, aller à la bibliothèque… Nos activités tournent autour de la nature : randos et baignade l’été, raquettes l’hiver. C’est paisible et reposant.
Moncton est une ville favorable aux artistes, avec beaucoup de galeries, de marchés de la création… C’est fou le nombre de personnes qui vendent des tableaux, des boucles d’oreille, des savons faits main, beaucoup de gens ont une activité créative secondaire (par choix, j’espère). C’est très stimulant de vivre dans ce genre d’environnement.
La minute géographie : Moncton se trouve en Acadie, une nation francophone distincte du Québec. Si vous pensez que les Québécois sont accueillants, venez un peu en Acadie. Je n’ai jamais vu des gens aussi agréables. Tout le monde demande si ça va bien, tout le monde prend le temps. Il n’y a pas de stress ici. On a reçu des marques de gentillesse désintéressée au fil du temps, qui font chaud au cœur : les gens qui aident spontanément à déneiger, qui s’entraident quand le climat s’en mêle… j’adore cette ambiance.
La culture du consensus et de bienveillance est un autre atout. On s’explique calmement, et souvent, la solution est là. Cela nous fait un bien fou d’envisager des relations interpersonnelles et sociétales apaisées, et cela a réellement changé notre façon de voir les choses. On repère d’ailleurs les Français fraîchement arrivés d’assez loin : ce sont les seuls à hurler sur leurs enfants ou leur chien 😀
Les prix de l’immobilier, on en parle ? Ce sont parmi les moins chers au Canada pour une ville de cette taille. On peut acheter une maison de 100 m² pour environ 100 000 euros. Ça laisse songeur, hein ?
Ce qu’on aime moins
Etienne a eu du mal à s’adapter à la culture d’entreprise. À nouveau, je ne sais pas si ça tient au pays, à la taille de la ville ou aux entreprises en question, mais la productivité n’a pas toujours été exactement la même que celle qu’il connaissait à Lyon, avec parfois de l’ennui à la clé. Le fait de devoir prendre des pincettes pour parler avec ses collègues, ne pas aborder les sujets qui fâchent bille en tête, c’est toujours en cours d’acquisition !
Au niveau du bilinguisme, la situation est complexe. Les Acadiens sont le plus souvent bilingues par nécessité, contrairement aux anglophones bilingues, assez rares et par choix. Cela fait des Acadiens des boucs émissaires faciles pour une certaine partie de la population jalouse des « avantages » des Acadiens (un accès plus facile aux postes de fonctionnaires bilingues, par exemple). En tant que francophones, on se retrouve propulsés dans une bataille qui nous concerne malgré tout, car les droits linguistiques sont à défendre tous les jours.
Je l’avais entendu, mais je n’y croyais pas : les billets d’avion sont exorbitants au Canada. Finis, les petits week-ends avec une heure de vol pour 30 euros. Aller à Toronto ou Montréal (1-2 h de vol) nous coûte 300-400 $, autant dire qu’on n’y va jamais. C’est bon pour la planète mais mon petit cœur voyageur saigne parfois…
Qu’auriez-vous aimé savoir avant de partir
Au niveau du climat, je pose ça là : Moncton est la première ville en termes de jours de neige de plus de 25 cm au Canada, et la sixième en termes de hauteur reçue pendant l’hiver. Notre premier hiver, il est tombé 5 mètres de neige ! C’est très beau mais ça peut être rude. Je dis toujours que ce n’est pas l’hiver qui est long, c’est l’été qui est court. Si on avait sept mois de belle saison pour récupérer, tout serait parfait ! Cela n’aurait pas changé ma décision de venir ici mais j’aurais aimé savoir que les mois de mars à mai seraient d’une longueur infinie. C’est d’ailleurs la saison où tout le monde s’envole vers les Caraïbes pour pas cher, car on a tous besoin d’une dose de soleil et de chaleur !
Quel conseil donner au prochain immigrant à s’installer au Canada
Une difficulté à surmonter dans les petites villes est l’entre-soi des locaux. Il faut apprendre à réseauter, à se faire connaître dans son microcosme professionnel. Etienne a trouvé deux emplois comme on le ferait en France, mais il est l’exception : la plupart des emplois se font par relations. Ce n’est pas du piston, mais du relationnel : il faut savoir nouer des liens et se rappeler au bon souvenir des gens. C’est un travail constant que nous sommes encore loin de maîtriser.
Une chose qui me frappe toujours, même après cinq ans ici, c’est que la façon de communiquer n’est pas la même, malgré notre langue commune. Il faut réapprendre à exprimer ses désaccords, ses critiques, ses arguments. Il y a tout un langage interpersonnel et émotionnel que je n’avais pas en arrivant, et c’est quelque chose que vous allez devoir apprendre. Si vous voulez râler, rien n’empêche de se retrouver entre Français mais ça aliène vite les Canadiens. Même au bout de cinq ans, on se surprend encore à laisser échapper des phrases trop critiques là où on voulait être constructifs.
Le conseil le plus évident, c’est évidemment de laisser son ego au placard et d’arrêter de tout comparer à la France. Je l’ai fait dans ce témoignage mais sur place, ça intéresse assez moyennement les gens d’avoir des comparaisons constantes avec un autre pays. Je pense qu’on sort de son moule d’immigrant le jour où on arrête de placer « en France on fait comme ci ou comme ça » dans chaque conversation.
Enfin, je terminerai avec une note sur les proches qui restent en France. L’adhésion des proches à un projet comme celui-là ne va pas de soi. Certains seront jaloux, d’autres se sentiront abandonnés, d’autres voudront être rassurés… C’est un gros travail à faire des deux côtés, qui se prépare et s’entretient.
Et pour la suite…
Je suis persuadée que je retournerai vivre en France un moment pour prendre soin de ma mère dans ses vieilles années, je m’y prépare en profitant à fond de cette aventure. Maintenant que je suis Canadienne en plus d’être Française, j’ai envie de rester au Canada encore un long moment, sans que cela ne m’empêche de faire des projets pour vivre temporairement ailleurs. Je ne suis pas encore trop vieille pour certains PVT !
Je tiens à remercier énormément Audrey qui a prit le temps de partager son histoire avec nous. Je vous invite à découvrir son blog Arpenter le Chemin et son Instagram. Si vous souhaitez à votre tour témoigner et rejoindre cette belle série de témoignage, n’hésitez pas à m’envoyer un message en privé sur mon Instagram. À très vite pour un prochain témoignage d’expatrié français !
Ferdy ♡
Hello,
Merci Audrey (que je suis d’ailleurs depuis un moment) pour ce beau témoignage !
C’est un peu grâce à eux qu’on s’est mis d’accord sur le New-Brunswick avec mon mari, car cette province regroupe tout ce qu’on recherche. On ne connaissait pas du tout avant !
Une charmante dame de Destination Canada m’a dit quelque chose qui m’a fait plaisir “vous êtes très souriante, vous avez une belle mentalité, je ne me fait aucun souci pour votre intégration”. C’est vrai que venir avec sa mentalité râleur de français n’est pas une bonne chose. Et c’est justement tout ce pessimisme français que je veux quitter !
Belle journée,
Laura – Bambins, Beauté et Futilité
superbe témoignage, encore une fois très intéressant.
Bravo Ferdy pour ce travail et merci 😊
[…] Audrey a Adopté Moncton Depuis 6 ans Maintenant… […]
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