Un nouveau témoignage vient s’ajouter à cette belle série que j’ai lancé il y a peu… l’idée étant de vous donner une vision réaliste sur l’expatriation au Canada et surtout, un retour d’expérience de profils différents à travers le Canada. Découvrez le témoignage de Élodie et Dahdjim qui avec beaucoup de volonté ont tout fait pour s’installer à Montréal mais en vain, le destin les emmenera de l’autre côté du pays, à Vancouver…
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Qui sommes-nous?
Élodie (28ans. Au moment du départ je viens de démissionner d’un poste de chargée de communication dans une École de Théâtre à Paris) et Dahdjim (32 ans. Lorsqu’on décolle, il vient de terminer un contrat post-doctoral en tant que chercheur en biophysique à Paris).
Nous sommes arrivés au Canada il y a un an, presque jour pour jour. Elodie a eu un PVT, Dahdjim l’a accompagné en tant que touriste. Nous espérions être tirés au sort tous les deux, mais la chance / le hasard / la vie ont fait qu’un seul des deux l’a obtenu. Nous avons décidé de partir avec 1 PVT / 2 en sachant que cela n’était pas la situation idéale. Les douanes canadiennes n’apprécient pas beaucoup les situations où des gens qui viennent demander un visa touristique de 6 mois quand ils sont accompagnés d’un(e) conjoint(e) qui a un visa de travail. En effet, un PVTiste qui trouve un emploi qualifié peut, sous certaines conditions, demander à ouvrir un permis de travail pour son conjoint… Les douanes en sont bien conscientes, ils comprennent vite que nous sommes aussi au courant de cela et, parfois, ça peut poser un problème. D’ailleurs, il semblerait qu’un quart des demandes de visa touristiques se voient refusées…
Où en sommes-nous 1 an après l’arrivée?
Après presque une année ici, nous avons connu des bons et des mauvais moments. Normal se dit-on… Oui, mais on pensait vivre plus de bons moments… Encore une fois, on se dit “comme tout le monde non?”, oui, mais quand on quitte CDI, appartement, famille, amis, qu’on traverse 7000km… Peut-être qu’on s’attend à beaucoup de bons moments. 🙂 Nous partions avec l’état d’esprit suivant : ça fait un an qu’on prépare notre départ, on a lu des livres sur l’immigration au Canada, des magazines, on a suivi des conférences… On connaît notre CNP, mon conjoint Dahdjim trouvera (normalement) du travail facilement, moi je vais un peu galérer mais je suis prête à faire des petits jobs en attendant. Bref : on est au taquet. Aujourd’hui, on relève la tête de l’eau après 12 mois de vie vraiment compliquée en se demandant “whoua. Est-ce qu’on était vraiment prêts pour ça?”. Réponse, non je ne pense pas.
Ce qu’il s’est passé : En arrivant en octobre, j’ai très vite suivi une formation à la CITIM. Cet organisme qui aide à l’insertion des nouveaux arrivants est formidable et plus que nécessaire si on débarque à Montréal. J’avais en main toutes les clés pour trouver un emploi. J’ai eu la chance de trouver un job qualifié et dans mon domaine début janvier, permettant d’ouvrir un permis de travail ouvert à Dahdjim mi-février. Déjà, d’octobre à janvier, ça fait “que 3 mois”, mais il faut bien prendre en compte que c’est 3 mois sans job. Dahdjim n’avait pas le droit de faire de job alimentaire ni rien du tout. Donc il faut prévoir un matelas confortable pour les débuts (surtout qu’à cette période de l’année, mieux vaut investir dans l’équipement d’hiver pour résister au -30°C montréalais…). En février, on reste courageux, on se dit “ok, Dahdjim a un permis de travail, ça va moins freiner les employeurs qui ne voulaient pas payer les frais d’immigration”. Avril on se dit “ça prend un peu de temps, c’est normal. Heureusement Dahdjim peut faire un job alimentaire en parallèle”. Arrivés en août, on ne comprend plus bien et les forces s’amenuisent. Pleurer sur le fait qu’on mette 1 an à trouver un job qualifié, je ne le ferai pas et ça n’apporterait rien du tout. Ce que j’aimerais apporter comme témoignage, c’est qu’il faut bien comprendre (et que nous, on avait peu en tête), c’est que le Canada et surtout le Québec cherchent de la main d’oeuvre, oui, mais dans certains métiers en particuliers.
On savait que personne ne nous attendait. On savait qu’on allait tout recommencer à zéro. On était prêts à reprendre des jobs en bas de l’échelle au début. On a suivi une formation et au moins 5 ateliers sur la recherche d’emploi au Québec… On pensait trouver. Aujourd’hui, on se rend compte qu’ils cherchent surtout des immigrants dans des classifications de métiers très spécialisés et que, parfois, ça peut être vraiment compliqué si on ne rentre pas dans cette demande.
Ce qui nous a choqués?
Je vais être directe : deux sujets nous ont vraiment choqués en étant ici depuis presque un an : l’immobilier et le racisme. Si je mets les deux ensemble, c’est parce qu’ils sont à la fois indépendants et complémentaires… Je vais faire un gros disclaimer d’entrée : ne généralisons absolument pas. Je travaille dans une équipe québécoise, je rencontre des québécois et la plupart sont des amours. Mais nous sommes aussi tombés sur des @lkfds%^$ finis.
Pour expliquer ma pensée, je vais résumer ce qu’il s’est passé il y a peu. Nous cherchions un appartement. Dans nos livres décrivant l’immigration au Québec, on nous vendait des appartements avec 2 chambres fermées pour moins de 1000$ à Montréal, dans le quartier Jean Talon. Well, l’économie a changé très vite, ce n’est absolument pas de leur faute. Mais soyez prévenus : le prix des appartements à Montréal a flambé ces dernières années (et même ces derniers mois). Armez-vous de patience et de votre meilleure rapidité pour répondre aux offres… Pour vous donner une idée, en ce moment quartier Jean Talon et plateau, on frôle les 1500$ pour un 4 1/2 (deux chambres fermées) et les 900-1000$ pour un 3 1/2 (une chambre fermée). Sauf que les salaires ne suivent pas toujours… C’est important de bien vérifier toutes les taxes, impôts et factures avant de s’engager dans un appartement.
Bref, je reviens à mon histoire : je réponds donc à une offre d’appartement. Je suis sur l’annonce 5 minutes après la parution, on est seulement 3 à l’avoir vue sur Kijiji, j’ai toutes mes chances. Je décris notre situation, tous les deux en emplois (Dahdjim a un job alimentaire en attendant de trouver un job qualifié), bonnes références, sérieux, calmes, blablabla. La personne me rappelle, je me dis “YES, je l’intéresse”. Je commence à parler en décrivant notre situation, il me coupe. Il me dit “Êtes-vous française?” (ça pourrait s’arrêter là, c’est une question potentiellement discriminatoire, donc illégale). Je réponds “oui, mais je souhaite m’installer ici sur du long terme (aka : rassures-toi, tu n’auras pas à trouver un nouveau locataire dans 3 mois). Réponse : “Ah non mais si t’es française on n’est pas du tout intéressés alors“. Et il me raccroche au nez. J’aimerais témoigner en disant que le racisme est dilué, presque inexistant, mais dans mon expérience, ça ne l’est pas. Quelques mois avant, j’ai entendu une québécoise dire “je préfère travailler avec une noire qu’avec une ostie de française“. Le racisme sur la couleur de peau ou sur la nationalité existe bel et bien ici. Et je me dis “wouha, je dois être “chanceuse”, car je suis à Montréal, il me semble que c’est une ville plus cosmopolite..”. Est-ce que j’étais prête à ça? Non. Pas le moins du monde. Est-ce que ça m’a complètement cassé mon expérience québécoise? Oui et non. Oui parce que dans ces moments-là, j’ai eu une telle peine, une telle douleur et un vrai sentiment d’injustice et de gratuité dans l’insulte… Et non parce que j’ai la chance de vivre dans une ville que j’aime, avec une équipe de québécois où tout se passe bien, et que tout ça m’aide à faire “balancer” la chose. Mais je pense que ça, c’est un sujet qu’il faut aborder lorsqu’on écrit des livres ou des ouvrages sur l’immigration. Ici, nous sommes des immigrés avant d’être des “expats” en voyage…
Est-ce qu’on pense rentrer en France ? Partir ailleurs ?
Rentrer en France, non, pas encore. Même si c’est archi difficile, même si parfois on se dit qu’on arrivera pas financièrement à tenir, même si on se dit “allez, on en a assez bavé”… On aime vraiment la vie canadienne. On adore la mentalité au travail, le côté convivial et le côté “tout est possible”. Si on veut se réorienter, ce sera plus simple. Si on veut voyager, le camping est tellement le sport national (et tellement agréable à faire). Et juste… Les salaires sont meilleurs, le rythme de vie est plus sain, on a plus de temps pour nous… Bref. On n’est pas prêts à l’heure actuelle à rentrer. À la place, nous avons décidé d’essayer une autre province. J’ai (Élodie) la chance d’avoir trouvé un poste à Vancouver : je commence le 1er novembre. Mon “cheum” aura plus d’opportunités de l’autre côté du pays, alors on croise les doigts pour que les choses se débloquent rapidement pour lui aussi. Nous sommes donc dans les valises, un chat sous le bras et on embarque pour la grande traversée du pays dans 2 jours. Nous avons hésité à le faire en voiture, mais pour cette fois, ce sera l’avion ahah.
Des conseils à celles et ceux qui partiraient?
Mettez beaucoup d’argent de côté, ne vous fiez pas au minimum demandé par le Ministère pour avoir le PVT, prenez-en comme BEAUCOUP ahah. Puis dès que vous arriverez dans une ville, renseignez-vous sur les organismes d’aide aux nouveaux arrivants. Ils sont souvent nombreux dans les grandes villes (du moins Toronto / Vancouver / Montréal, vous trouverez sans souci) et ils sont incroyablement précieux. Ils vous guideront sans doute dans la rédaction d’un CV et d’une lettre à la mode canadienne. Même si on lit beaucoup de choses, la réalité est parfois différente et avec les yeux d’un expert, ça aide bien plus qu’un livre. Et puis… En conclusion, je dirai qu’il est mieux aussi de lire des blogs de français installés au Canada.. C’est bête à dire, mais comme ils sont indépendants, qu’ils ne sont pas reliés à des subventions étatiques qui sont elles-mêmes liées à des relations diplomatiques… En résumé : ils n’ont pas d’autres intérêts que de vous décrire leur vie et expériences réelles… C’est (je trouve) plus proche de la réalité que les fameux “forums d’expatrié” ou “forum du Canada” où nous avons vraiment eu l’impression d’assister à une publicité pour l’immigration au Canada… Bien loin de ce que nous avons vécu en arrivant ici… Mais dans tous les cas : soyez aussi rassurés. L’aventure est belle, même si elle peut être difficile, décourageante, je pense qu’elle reste extrêmement formatrice. Elle nous a appris à être plus solidaires encore, à être aussi plus flexibles et à rebondir plus vite. Elle nous a appris à nous adapter mille fois plus rapidement et à ne pas rester bloqués devant une difficulté. Et rien que pour tout ça, je recommencerai.
Je tiens à remercier Elodie et Dahdjim qui ont prit le temps de partager leur histoire avec nous et j’espère que les conseils d’Elodie vous seront bénéfiques. Je vous invite à la suivre sur son compte Instagram Worldwildtravellers. À très vite pour un prochain témoignage d’expatrié français !
Ferdy ♡