Et voici le deuxième témoignage de cette belle série que j’ai lancé il y a peu.. l’idée étant de vous donner une vision réaliste sur l’expatriation au Canada et surtout, un retour d’expérience de profils différents à travers le Canada.
À lire ou à relire: Caroline et Frédéric en PVT dans la Région de Charlevoix, QC
Pour cette fois-ci, le couple a souhaité garder son anonymat que je respecte totalement.
J’ai 47 ans, et je suis venue m’installer à Montréal avec mon conjoint (48 ans) et notre fils de 8 ans, il y a tout juste un an. Je suis titulaire d’un permis d’études, et mon conjoint d’un permis de travail ouvert.
Notre bilan après un an sur le sol canadien est partagé. On reste positif et optimiste, mais tout n’est pas rose.
La Santé
Si mon permis d’études me donne droit à la RAMQ, ainsi qu’à mon fils, en revanche mon conjoint n’a pas pu en bénéficier car la sécurité sociale en France n’a jamais voulu l’inscrire sur mon formulaire. On sait aujourd’hui qu’une directive du mois de septembre 2018 autorise le conjoint à figurer sur le formulaire, mais c’est maintenant trop tard pour nous. On a donc souscrit à une assurance privée pour lui, ce qui nous coûte assez cher et vient pomper notre budget. L’accès aux soins est assez compliqué ici, et encore plus sans la RAMQ. Ne pas pouvoir choisir son médecin mais attendre patiemment (très longtemps !!) qu’un médecin vous choisisse, je ne trouve pas ça normal ! C’est quand même notre santé, on devrait pouvoir choisir qui nous soigne. Cela dit, je ne vais pas trop me plaindre, car je fais partie des quelques chanceux à avoir obtenu un médecin de famille en seulement 3 mois, tout comme mon fils.
Pour mon conjoint en revanche, pas de médecin de famille, et obligé de se tourner vers les cliniques sans rdv pour pouvoir consulter un médecin. Mais toutes les cliniques n’acceptent pas les patients sans RAMQ ! Donc c’est quand même un peu le parcours du combattant pour aller se faire soigner ! Heureusement, et ça c’est le côté positif, nous n’avons pas été malade depuis notre arrivée. Mon fils qui tous les ans m’enchaine les trucs en -ites (rhino, bronchites et compagnies), n’a eu aucune de ces maladies. Moi qui tous les automnes me paye une bonne bronchite, je n’ai pas été malade. Mieux encore, mon conjoint qui est atteint d’une maladie des sinus et qui a développé une forme d’asthme en France n’en souffre plus depuis notre arrivée et a laissé sa ventoline au placard. Donc oui, l’accès aux soins est compliqué et coûteux, mais on est moins malade, ça compense.
Le Travail
Ça c’est notre grosse grosse désillusion !! Mon conjoint travaille dans le domaine de l’image, et on avait regardé le marché du travail avant de partir. On se disait qu’il n’aurait pas trop de mal à trouver, mais on s’attendait quand même à ce que ça n’arrive pas tout cuit. Passées les premières semaines d’installation, il a commencé à chercher activement un job. S’il a eu quelques entretiens et même passé des tests, il n’a malgré tout pas été embauché. À chaque fois on lui préfère un autre candidat (et pourtant il a toutes les compétences et qualités recherchées). Il a quand même décroché quelques contrats à la pige, mais malheureusement pas assez régulier pour en vivre. Donc bon, comme il faut bien payer nos factures car je ne travaille pas non plus, il s’est tourné vers les petits jobs qu’on trouve à la pelle, ceux mal payés que les Québécois ne veulent pas faire. Travailler dans des entrepôts sales, sous-payés, et dont le niveau social n’est pas très élevé, c’est beaucoup de contraintes pour un salaire modique qui ne paye même pas le loyer ! Pour le moral c’est aussi une sacrée claque ! Et puis quand tu rentres le soir complètement crevé par ta journée à soulever des caisses, tu n’as qu’une envie c’est d’aller te coucher.
Comment continuer à chercher du travail dans ta branche dans ces conditions ? C’est compliqué. Alors il reste quelques semaines, histoire de dire qu’on fait rentrer un peu d’argent, puis il se remet en quête du boulot de rêve, pour être à nouveau déçu que sa candidature ne soit jamais retenue, puis finalement retourner dans le prochain entrepôt… Ça ne ressemble pas trop à la carrière qu’on avait espéré. Mais on essaye de rester motivé en se disant que tôt ou tard il finira bien par trouver LE job. En attendant c’est dur, moralement, physiquement, et financièrement. Pour compenser un peu, je me suis mise à travailler en autonome aussi, comme ça je garde des horaires assez flexibles et c’est plutôt bien payé. Mais comme je suis étudiante je ne peux pas travailler à temps plein, donc ça limite aussi de ce côté là.
La Météo
Oui il fait froid en hiver mais chaud en été (ça on le savait moins). Pour le froid, on était préparé mentalement à affronter un hiver rude et long. On s’est équipé en arrivant ici, car les équipements français ne sont pas forcément adaptés. Et on a survécu 😀 L’air est froid et sec, alors on supporte assez bien des températures très basses, jusqu’à -18 ou -20. Au-delà ça pique quand même un peu et on ne reste pas trop longtemps dehors, mais sinon on peut profiter des joies de l’hiver. Le plus dure c’est le verglas ! Le dernier hiver n’a pas été avare en glace, et marcher sur des trottoirs complètement gelé relève parfois du parcours du combattant, même avec de bons crampons ! Et puis le truc un peu galère aussi, c’est déneiger la voiture ! Quand tu arrives sur le stationnement et que tu ne sais pas trop laquelle est ton auto, qu’il faut pelleter tout autour pour pouvoir t’extraire de ta place, puis balayer l’auto au complet, c’est sportif ! Bon ça n’arrive pas tous les jours, mais c’est quand même assez fréquent, alors en hiver il faut toujours prévoir de partir plus tôt car après une grosse tempête, le déneigement peut prendre du temps !
Pour le chaud (et humide) par contre, on était pas prêts et on a beaucoup souffert à notre arrivée (On habite au dernier étage d’un triplex non-climatisé !). Cette année on a craqué et on s’est acheté une clim, parce que c’est vraiment suffoquant dans l’appart sans ça.
L’Alimentation
On trouve à peu près tout au Québec, en tout cas si on y met le prix ! Dans l’ensemble c’est quand même assez cher. Des produits qui ne coûtent rien en france coûtent une fortune ici, et vice-versa. On arrive à se nourrir bien sûr, mais le budget alimentaire n’est pas à négliger. Ce qui nous manque le plus ? Le fromage ! (oui on en trouve ici, et même du très bon, mais c’est hors de prix, alors c’est seulement de temps en temps, pour se faire plaisir). Et le bon pain frais, croustillant dehors et moelleux dedans.
L’Intégration
Sans aucun doute, c’est notre fils le mieux intégré. Il va à l’école québécoise et ça se passe très très bien. Il s’est fait de nouveaux amis, adore sa prof et son école, et commence même à parler Québécois ^_^ De notre côté c’est un peu différent. Nous sommes plutôt bien intégré dans notre quartier, et nos voisins sont sympas, mais on a pas nouer plus de liens que ça (Après, le fait qu’on ne soit pas encore investi dans le monde du travail n’aide pas non-plus à rencontrer des gens, donc forcement, les contacts sont plutôt limités). Oui les Québécois sont sympa et accueillant avec les touristes, mais les Français ne sont pas toujours les bienvenus partout. Bon dans l’ensemble on est quand même bien accepté, mais quand même, parfois on sent comme une petite gêne. Et puis, si on parle facilement de la pluie et du beau temps, ça s’arrête souvent là. Pas de discussion approfondie, pas de débat, par d’argumentations… pour les Français que nous sommes, ça peut être un peu frustrant parfois de ne pas pouvoir défendre le bout de gras, car ici on est dans la bienveillance et la gentillesse de façade, alors pas de conflit, pas de discussion animée, rien ! Par contre pour appeler la police dans votre dos parce que vous faites un peu trop de bruit ou que votre voiture est mal garée, là y’a du monde ! Dans le genre fourbe et hypocrite ça se pose là.
Et puis il y a un autre aspect auquel on ne pense pas toujours. C’est qu’ici, c’est nous les étrangers ! On n’est plus tout à fait Français, mais on ne sera jamais totalement Québécois non-plus.On se dit tous que si on est venus ici, ce n’est pas pour rester entre Français, qu’on veut s’intégrer et rencontrer des Québécois. Oui d’accord, mais les Québécois eux ils n’ont rien demandé ! Et encore moins de voir débarquer des Français à tout bout de champs partout autour d’eux, qui font grimper le prix des loyers parce qu’ils comparent toujours à l’euro et qu’ils sont prêts à mettre cher pour être bien logés, qui savent toujours tout mieux que tout le monde, et surtout le “parler français”. Oui le Québécois peut se vexer si tu critiques son français et sa façon de parler, ou encore si tu lui dis que quand même ici il y a beaucoup d’anglicismes (oui mais vous les Français vous dites “parking” et “week-end”). Donc rencontrer des Québécois oui, mais retrouver des compatriotes avec qui partager notre expérience ça arrive plus souvent (et plus vite) qu’on le pense, et on est bien content aussi.
La Nature et la Qualité de Vie
Là il n’y a pas photo, c’est sûr que la qualité de vie est meilleure ici. Beaucoup moins de stress, pas d’agressivité (le côté positif de l’hypocrisie bienveillante !) et des grands espaces pour respirer l’air pur. Finir sa journée de bonne heure (en fonction de sa profession bien sûr) et pouvoir encore faire des choses en rentrant chez soi, vivre dehors au grand air les 3/4 du temps (même en hiver), ne se prendre la tête pour rien ou presque, oui ça a du bon !
Dans l’ensemble, notre bilan est plutôt positif, même si tout n’est pas parfait. Non le Canada n’est pas l’Eldorado, mais quand on arrive de la région parisienne, j’avoue que même Montréal ressemble à un coin de campagne !
Ferdy: Merci beaucoup pour ton témoignage qui est plus que véridique !! Je reconnais tout ce que tu dis ayant vécu moi-même pendant 18 mois à Montréal.
Juste une chose en lisant votre témoignage je me demande si au bout d’un an ton mari a pu trouver du travail dans son domaine ? Pensez-vous tenter votre chance ailleurs que dans le Québec ? Et pensez-vous vivre pour toujours au Canada ou un retour en France est envisageable ?
Non malheureusement mon conjoint n’a toujours pas trouvé de job dans son domaine et ça en devient déprimant !
Je suis toujours en permis d’études et je n’aurai pas d’autre choix que demander la RP au Québec car je vais ensuite obtenir un permis post diplôme et faire mon expérience ici, donc bon. Après on a aussi choisi cette province pour le côté francophone car mon conjoint ne parle pas trop anglais, même s’il le lit et l’écrit.
Nous n’envisageons absolument pas de rentrer en France, sauf pour des vacances. Je crois d’ailleurs que si on devait rentrer on serait en total décalage et le choc serait peut être un peu violent dans ce sens là 😉
Je tiens à remercier ce couple qui est très courageux et qui a pris le temps de partager leur histoire avec nous et j’espère que leurs conseils vous seront bénéfiques. Je leur souhaite la réussite et que le conjoint trouve du travail dans son domaine le plus rapidement possible !
À très vite pour un prochain témoignage d’expatrié français !
Ferdy ♡